My4Fab

4 spectacles incontournables à voir en ce moment à Paris

4 spectacles incontournables à voir en ce moment à Paris

4 spectacles, 4 univers aussi puissants que différents, pour explorer les grandes questions de notre temps : de la traque impitoyable de Josef Mengele à la comédie musicale déjantée de La Petite Boutique des Horreurs, en passant par le coup de poing féministe de La Chair est triste hélas, sans oublier la modernité toujours brûlante du Mariage de Figaro.

Four shows, four worlds as powerful as they are different, exploring the major questions of our time: from the relentless hunt for Josef Mengele to the wild musical comedy Little Shop of Horrors, through the feminist punch of La Chair est triste hélas, and not forgetting the ever-relevant modernity of The Marriage of Figaro. A theatrical panorama not to be missed this autumn.

La Disparition de Josef Mengele – une expérience théâtrale haletante et viscérale

Il est des pièces dont on sort bouleversé, secoué, comme après un choc frontal. La Disparition de Josef Mengele, actuellement au Théâtre de la Pépinière, est de celles-là. Adaptée du roman d’Olivier Guez, cette œuvre n’est pas un simple récit historique : c’est une expérience intense, au rythme effréné, qui demande une concentration de chaque instant et tient le spectateur en haleine sans jamais le relâcher.
Dès les premières secondes, le ton est donné : aucune place à la digression, ni au confort. Tout dans la mise en scène, le texte et le jeu vise à maintenir une tension dramatique constante, quasi suffocante. Le récit de la cavale de Josef Mengele — bourreau d’Auschwitz — en Amérique latine devient une traque psychologique haletante, une descente dans la lâcheté, l’oubli, l’impunité.
Le rythme est nerveux, presque sec. Aucun effet superflu. Chaque mot, chaque silence, chaque regard a du poids. Le spectateur est sollicité sans répit, obligé de rester suspendu au moindre frémissement du récit.
Dans ce seul-en-scène, Mikaël Chirinian est tout simplement magistral. Il ne se contente pas d’interpréter : il est littéralement habité par le texte, par l’urgence de transmettre au travers de sa voix, de son souffle et de ses silences.
Ce n’est pas un monologue : c’est une immersion.
La scénographie est volontairement épurée — une chaise, des valises, un mur de mémoire. Mais c’est précisément cette sobriété qui renforce l’effet de claustration mentale. L’espace scénique devient un piège, une cellule de réflexion où l’on ne peut fuir ni les faits ni les responsabilités. Les lumières et les sons construisent un univers dense, tendu, sans échappatoire.
Au-delà de la performance, la pièce questionne : comment le mal a-t-il pu se fondre dans l’oubli ? Comment la mémoire flanche-t-elle ? Que reste-t-il de la justice lorsqu’elle est évitée ? Ce n’est pas un théâtre de reconstitution, c’est un théâtre de confrontation. On ne regarde pas, on traverse.
La Disparition de Josef Mengele est un moment de théâtre d’une intensité exceptionnelle. C’est un uppercut scénique, qui happe, interpelle, secoue. Grâce à l’interprétation profondément habitée de Mikaël Chirinian, on reste accroché à chaque mot, à chaque souffle, comme suspendu au bord du vertige.
Un spectacle à voir — non pour se divertir, mais pour être bouleversé, éclairé, et profondément remué.

There are plays after which you leave shaken, disturbed, as if after a head-on collision. The Disappearance of Josef Mengele, currently at the Théâtre de la Pépinière, is one of those. Adapted from Olivier Guez’s novel, this work is not a mere historical account: it is an intense experience, with a breathless pace, demanding relentless concentration and keeping the audience on the edge of their seats without ever letting go. From the very first seconds, the tone is set: no room for digression or comfort. Everything in the staging, the text, and the acting aims to maintain a constant, almost suffocating dramatic tension. The story of Josef Mengele’s escape — the Auschwitz executioner — in Latin America becomes a gripping psychological chase, a descent into cowardice, oblivion, and impunity. The rhythm is nervous, almost terse. No superfluous effects. Every word, every silence, every glance carries weight. The spectator is relentlessly engaged, forced to hang on every slightest nuance of the narrative. In this one-man show, Mikaël Chirinian is simply masterful. He does not just perform: he is literally possessed by the text, by the urgency to convey through his voice, breath, and silences. It is not a monologue: it is an immersion. The set design is deliberately sparse — a chair, some suitcases, a wall of memory. Yet it is precisely this sobriety that heightens the feeling of mental confinement. The stage space becomes a trap, a cell for reflection where neither facts nor responsibilities can be escaped. Lights and sounds build a dense, tense universe with no way out. Beyond the performance, the play questions: how could evil fade into oblivion? How does memory fail? What remains of justice when it is evaded? This is not a theater of reenactment; it is a theater of confrontation. One does not watch, one goes through it. The Disappearance of Josef Mengele is a moment of theater of exceptional intensity. It is a stage uppercut that grabs, challenges, and shakes. Thanks to Mikaël Chirinian’s deeply inhabited interpretation, one remains clinging to every word, every breath, as if suspended on the edge of vertigo. A show to see — not for entertainment, but to be moved, enlightened, and profoundly shaken.

Au théâtre de la Pépinière jusqu au 5 novembre 2025. Puis en tournée de janvier à avril 2026
7 Rue Louis le Grand, 75002 Paris

La Petite Boutique des Horreurs — une comédie musicale à dévorer !

Le Théâtre de la Porte Saint-Martin accueille une version française pétillante de La Petite Boutique des Horreurs, comédie musicale culte d’Alan Menken et Howard Ashman. Au centre de l’histoire, Audrey II, une plante mystérieuse qui a une particularité étonnante : elle ne se nourrit pas d’eau…
Sous la direction de Valérie Lesort et Christian Hecq, la pièce conserve le charme kitsch des sixties du film de Frank Oz tout en le réinventant avec créativité. On rit, on frémit gentiment, et on s’émerveille devant des scènes inattendues, comme ce défilé surréaliste d’appareils électroménagers.
La comédie musicale ne connaît aucun temps mort : chansons entraînantes et chorégraphies s’enchaînent dans un tourbillon coloré, pop et décalé. La bonne humeur constante se transmet facilement au public, qui se laisse emporter par cette énergie communicative.
Si le casting est éclatant, c’est bien Audrey II qui vole la vedette. La marionnette, qui grandit au fil de l’histoire, devient un véritable personnage : drôle, inquiétante et hypnotique. La virtuosité de sa manipulation et de son doublage impressionne à chaque apparition.
La Petite Boutique des Horreurs version Lesort/Hecq est un spectacle joyeusement monstrueux, où se mêlent comédie kitsch, romance et horreur décalée. Accessible à toute la famille, c’est une pépite pop et inventive à croquer sans retenue.

The Théâtre de la Porte Saint-Martin is hosting a sparkling French version of Little Shop of Horrors, the cult musical by Alan Menken and Howard Ashman. At the heart of the story is Audrey II, a mysterious plant with a surprising trait: it doesn’t feed on water… Under the direction of Valérie Lesort and Christian Hecq, the show retains the kitschy charm of the sixties film by Frank Oz while creatively reinventing it. The audience laughs, shivers gently, and marvels at unexpected scenes, like the surreal parade of household appliances. The performance knows no dull moments: catchy songs and choreographies follow one another in a colorful, pop, and quirky whirlwind. The constant good mood easily spreads to the audience, who willingly gets carried away by this contagious energy. While the cast is brilliant, it is Audrey II who steals the show. The puppet, growing throughout the story, becomes a true character: funny, unsettling, and hypnotic. The virtuosity of its manipulation and voice-over impresses at every appearance. The Lesort/Hecq version of Little Shop of Horrors is a joyfully monstrous show, blending kitsch comedy, romance, and offbeat horror. Accessible to the whole family, it is a pop and inventive gem to devour without restraint.

Jusqu’au 12 octobre au théâtre de la porte Saint Martin 
18 Boulevard Saint-Martin, 75010 Paris

La chair est triste hélas  – Une claque !

Ovidie livre ici une œuvre coup de poing qui agit comme un électrochoc. Plus qu’un monologue, la pièce est une mise au point radicale sur les affres du patriarcat et ses effets délétères sur les femmes, contraintes depuis toujours à se plier aux diktats de la séduction.
À travers elle résonne la lassitude de générations de femmes accablées par la nécessité de séduire, de se conformer, d’endosser malgré elle ce rôle de « femme trophée », vision archaïque qui continue de structurer nos sociétés modernes comme une évidence éternelle.
La force du texte réside dans un double mouvement : d’un côté la dénonciation frontale des violences, des contraintes et des humiliations que le patriarcat impose ; de l’autre, l’exposition sans fard des violences intériorisées, de ce que les femmes s’imposent à elles-mêmes pour rester désirables, aimées, « valables ».
Si le texte d’Ovidie est traversé de nombreuses formules acerbes (et souvent drôles), ce n’est pas la voix d’une femme aigrie que l’on entend : c’est celle d’une femme meurtrie, blessée par l’injustice répétée, par les compromis imposés, par les renoncements silencieux. Cette douleur sourde, révélée par l’interprétation envoûtante d’Anna Mouglalis, donne toute sa profondeur au spectacle et en fait bien plus qu’un pamphlet : une expérience intime et universelle.
Des projections vidéo qui, loin de distraire, soulignent avec intelligence le propos. Ces images d’archives, de visages, de corps, de regards, ajoutent une épaisseur historique et symbolique au texte, et nous amènent à questionner les fondements mêmes des relations homme-femme. 
En 1h10, le public est confronté à un cri de vérité qui secoue et qui libère. La chair est triste hélas n’offre pas de consolation : elle confronte, elle bouscule et ose dire ce que tant d’autres vivent encore en silence. Cette sincérité-là bouleverse, bien plus que la colère seule.

Ovidie delivers here a powerful work that hits like a shockwave. More than a monologue, the play is a radical assessment of the torment of patriarchy and its harmful effects on women, who have always been forced to conform to the dictates of seduction. Through it resonates the weariness of generations of women burdened by the need to seduce, to conform, to unwillingly assume the role of the « trophy wife, » an archaic vision that continues to shape our modern societies as an eternal given. The strength of the text lies in a dual movement: on one side, the frontal denunciation of the violence, constraints, and humiliations imposed by patriarchy; on the other, the unvarnished exposure of internalized violence — what women impose on themselves to remain desirable, loved, « worthy. » Although Ovidie’s text is peppered with many sharp (and often humorous) phrases, it is not the voice of a bitter woman that is heard: it is that of a wounded woman, hurt by repeated injustice, forced compromises, and silent renunciations. This deep pain, revealed by Anna Mouglalis’s haunting performance, gives the play its full depth and makes it much more than a pamphlet: an intimate and universal experience. Video projections, far from distracting, intelligently emphasize the message. These archival images of faces, bodies, and gazes add historical and symbolic weight to the text and lead us to question the very foundations of male-female relationships. In just 1 hour and 10 minutes, the audience is confronted with a cry of truth that shakes and liberates. La Chair est triste hélas offers no consolation: it confronts, it shakes, and dares to say what so many others still live in silence. This sincerity moves far more than anger alone.

Au théâtre de l’Atelier jusqu’au 25 octobre
1 place Charles Dullin, 75018 Paris

La Folle journée ou Le Mariage de Figaro – Un spectacle jubilatoire servi par une troupe au sommet de son art

Sous ses allures de comédie légère, Le Mariage de Figaro, pièce actuellement jouée à la Scala, est en réalité d’une modernité saisissante. Beaumarchais y dénonce en effet la lutte des classes, la domination brutale des plus riches, la corruption de la justice et l’hypocrisie des mœurs. Hier comme aujourd’hui, ses mots gardent toute leur pertinence, et c’est précisément ce que met en lumière la mise en scène brillante de Léna Bréban.
Le spectacle est mené à un rythme effréné : entre répliques qui fusent, situations qui s’enchaînent et quelques anachronismes savoureux, impossible de s’ennuyer.
Si au centre, Philippe Torreton incarne un Figaro charismatique, ironique et profond,  chaque comédien(ne) se donne à fond, avec une générosité qui transforme la représentation en une véritable fête collective. 
On rit, on réfléchit, on se laisse surprendre. Et l’on ressort convaincu que ce Mariage de Figaro est à la fois un divertissement étincelant et une œuvre toujours politique, qui continue de nous parler aujourd’hui avec une clarté implacable.
Et enfin,pour l anecdote, n’oubliez pas de vous attarder sur les motifs de la toile de Jouy, élément principal du décor.

Beneath its light comedy facade, The Marriage of Figaro, currently playing at La Scala, is actually strikingly modern. Beaumarchais denounces there the class struggle, the brutal domination of the wealthy, the corruption of justice, and the hypocrisy of morals. Yesterday as today, his words remain entirely relevant, and it is precisely this that is highlighted by Léna Bréban’s brilliant staging. The show moves at a frantic pace: with quick-witted lines, rapidly unfolding situations, and some delightful anachronisms, boredom is impossible. At the center, Philippe Torreton embodies a charismatic, ironic, and profound Figaro, while every actor gives their all with a generosity that transforms the performance into a true collective celebration. The audience laughs, reflects, and allows themselves to be surprised. And they leave convinced that this Marriage of Figaro is both a sparkling entertainment and a perpetually political work that still speaks to us today with relentless clarity. And finally, as a fun detail, don’t forget to linger on the toile de Jouy patterns, a main element of the set design.

Jusqu’au 4 janvier à La Scala
13 boulevard de Strasbourg, 75010 Paris

Photographie principale des spectacles : ©La Petite Boutique des Horreurs

Vous aimerez aussi : Profiter de l’été indien au Hoxton Paris

CB